by Stendhal [1 of 170 pseudnyms used by Marie-Henri Beyle] Palerme, le 22 juillet 1838. Je ne suis point naturaliste, je ne sais le grec que fort m‚diocrement; mon principal but, en venant voyager en Sicile, n’a pas ‚t‚ d’observer les ph‚nomŠnes de l’Etna, ni de jeter quelque clart‚, pour moi ou pour les autres, sur tout ce que les vieux auteurs grecs ont dit de la Sicile. Je cherchais d’abord le plaisir des yeux, qui est grand en ce pays singulier. Il ressemble, dit-on, … l’Afrique; mais ce qui, pour moi, est de toute certitude, c’est qu’il ne ressemble … l’Italie que par les passions d‚vorantes. C’est bien des Siciliens que l’on peut dire que le mot impossible n’existe pas pour eux dŠs qu’ils sont enflamm‚s par l’amour ou la haine, et la haine, en ce beau pays, ne provient jamais d’un int‚rˆt d’argent. Je remarque qu’en Angleterre, et surtout en France, on parle souvent de la passion italienne, de la passion effr‚n‚e que l’on trouvait en Italie aux seiziŠme et dix-septiŠme siŠcles. De nos jours, cette belle passion est morte, tout … fait morte, dans les classes qui ont ‚t‚ atteintes par l’imitation des moeurs fran‡aises et des fa‡ons d’agir … la mode … Paris ou … Londres. Je sais bien que l’on peut dire que, dŠs l’‚poque de Charles Quint ( 1530), Naples, Florence, et mˆme Rome, imitŠrent un peu les moeurs espagnoles; mais ces habitudes sociales si nobles n’‚taient-elles pas fond‚es sur le respect infini que tout homme digne de ce nom doit avoir pour les mouvements de son ƒme? Bien loin d’exclure l’‚nergie, elles l’exag‚raient, tandis que la premiŠre maxime des fats qui imitaient le duc de Richelieu, vers 1760, ‚tait de ne sembler ‚mus de rien. La maxime des dandies anglais, que l’on copie maintenant … Naples de pr‚f‚rence aux fats fran‡ais, n’est-elle pas de sembler ennuy‚ de tout, sup‚rieur … tout? Ainsi la passion italienne ne se trouve plus, depuis un siŠcle, dans la bonne compagnie de ce pays-l…. Pour me faire quelque id‚e de cette passion italienne, dont nos romanciers parlent avec tant d’assurances, j’ai ‚t‚ oblig‚ d’interroger l’histoire; et encore la grande histoire faite par des gens … talent, et souvent trop majestueuse, ne dit presque rien de ces d‚tails. Elle ne daigne tenir note des folies qu’autant qu’elles sont faites par des rois ou des princes. J’ai eu recours … l’histoire particuliŠre de chaque ville; mais j’ai ‚t‚ effray‚ par l’abondance des mat‚riaux. Telle petite ville vous pr‚sente fiŠrement son histoire en trois ou quatre volumes in-4ø imprim‚s, et sept ou huit volumes manuscrits; ceux-ci presque ind‚chiffrables, jonch‚s d’abr‚viations, donnant aux lettres une forme singuliŠre, et, dans les moments les plus int‚ressants, remplis de fa‡ons de parler en usage dans le pays, mais inintelligibles vingt lieues plus loin. Car dans toute cette belle Italie o— l’amour a sem‚ tant d’‚v‚nements tragiques, trois villes seulement, Florence, Sienne et Rome, parlent … peu prŠs comme elles ‚crivent; partout ailleurs la langue ‚crite est … cent lieues de la langue parl‚e. Ce qu’on appel le la passion italienne, c’est-…-dire, la passion qui cherche … se satisfaire, et non pas a donner au voisin une id‚e magnifique de notre individu, commence … la renaissance de la soci‚t‚, au douziŠme siŠcle, et s’‚teint du moins dans la bonne compagnie vers l’an 1734. A cette ‚poque, les Bourbons viennent r‚gner … Naples dans la personne de don Carlos, fils d’une FarnŠse, mari‚e, en secondes noces, … Philippe V, ce triste petit-fils de Louis XIV, si intr‚pide au milieu des boulets, si ennuy‚, et si passionn‚ pour la musique. On sait que pendant vingt-quatre ans le sublime castrat Farinelli lui chanta tous les jours trois airs favoris, toujours les mˆmes . Un esprit philosophique peut trouver curieux les d‚tails d’une passion sentie … Rome ou … Naples, mais j’avouerai que rien ne me semble plus absurde que ces romans qui donnent des noms italiens … leurs personnages. Ne sommes-nous pas convenus que les passions varient toutes les fois qu’on s’avance de cent lieues vers le Nord? L’amour est-il le mˆme … Marseille et … Paris? Tout au plus peut-on dire que les pays soumis depuis longtemps au mˆme genre de gouvernement offrent dans les habitudes sociales une sorte de ressemblance ext‚rieure. Les paysages, comme les passions, comme la musique, changent aussi dŠs qu’on s’avance de trois ou quatre degr‚s vers le Nord. Un paysage napolitain paraŒtrait absurde … Venise, si l’on n’‚tait pas convenu, mˆme en Italie, d’admirer la belle nature de Naples. A Paris, nous faisons mieux, nous croyons que l’aspect des forˆts et des plaines cultiv‚es est absolument le mˆme … Naples et … Venise, et nous voudrions que le Canaletto, par exemple, e–t absolument la mˆme couleur que Salvador Rosa. Le comble du ridicule, n’est-ce pas une dame anglaise dou‚e de toutes les perfections de son Œle, mais regard‚e comme hors d’‚tat de peindre la haine et l’amour, mˆme dans cette Œle: madame Anne Radcliffe donnant des noms italiens et de grandes passions aux personnages de son c‚lŠbre roman: le Confessionnal des P‚nitents noirs? Je ne chercherai point … donner des grƒces … la simplicit‚, … la rudesse quelquefois choquantes du r‚cit trop v‚ritable que je soumets … l’indulgence du lecteur; par exemple, je traduis exactement la r‚ponse de la duchesse de Palliano … la d‚claration d’amour de son cousin Marcel Capece. Cette monographie d’une famille se trouve, je ne sais pourquoi, … la fin du second volume d’une histoire manuscrite de Palerme, sur laquelle je ne puis donner aucun d‚tail. Ce r‚cit, que j’abrŠge beaucoup, … mon grand regret (je supprime une foule de circonstances caract‚ristiques), comprend les derniŠres aventures de la malheureuse famille Carafa, plut“t que l’histoire int‚ressante d’une seule passion. La vanit‚ litt‚raire me dit que peut-ˆtre il ne m’e–t pas ‚t‚ impossible d’augmenter l’int‚rˆt de plusieurs situations en d‚veloppant davantage, c’est-…-dire en devinant et racontant au lecteur, avec d‚tails, ce que sentaient les personnages. Mais moi, jeune Fran‡ais, n‚ au nord de Paris, suis-je bien s–r de deviner ce qu’‚prouvaient ces ƒmes italiennes de l’an 1559? Je puis tout au plus esp‚rer de deviner ce qui peut paraŒtre ‚l‚gant et piquant aux lecteurs fran‡ais de 1838. Cette fa‡on passionn‚e de sentir qui r‚gnait en Italie vers 1559 voulait des actions et non des paroles. On trouvera donc fort peu de conversations dans les r‚cits suivants. C’est un d‚savantage pour cette traduction, accoutum‚s que nous sommes aux longues conversations de nos personnages de roman; pour eux, une conversation est une bataille. L’histoire pour laquelle je r‚clame toute l’indulgence du lecteur montre une particularit‚ singuliŠre introduite par les Espagnols dans les moeurs d’Italie. Je ne suis point sorti du r“le de traducteur. Le calque fidŠle des fa‡ons de sentir du seiziŠme siŠcle, et mˆme des fa‡ons de raconter de l’historien, qui, suivant toute apparence, ‚tait un gentilhomme appartenant … la malheureuse duchesse de Palliano, fait, selon moi, le principal m‚rite de cette histoire tragique, si toutefois m‚rite il y a. L’‚tiquette espagnole la plus s‚vŠre r‚gnait … la cour du duc de Palliano. Remarquez que chaque cardinal, que chaque prince romain avait une cour semblable, et vous pourrez vous faire une id‚e du spectacle que pr‚sentait, en 1559, la civilisation de la ville de Rome. N’oubliez pas que c’‚tait le temps o— le roi Philippe II, ayant besoin pour une de ses intrigues du suffrage de deux cardinaux, donnait … chacun d’eux deux cent mille livres de rente en b‚n‚fices eccl‚siastiques. Rome, quoique sans arm‚e redoutable, ‚tait la capitale du monde. Paris, en 1559, ‚tait une ville de barbares assez gentils. TRADUCTION EXACTE D’UN VIEUX RCIT CRIT VERS 1566 Jean-Pierre Carafa, quoique issu d’une des plus nobles familles du royaume de Naples, eut des fa‡ons d’agir ƒpres, rudes, violentes et dignes tout … fait d’un gardeur de troupeaux. Il prit l’habit long (la soutane) et s’en alla jeune … Rome, o— il fut aid‚ par la faveur de son cousin Olivier Carafa, cardinal et archevˆque de Naples. Alexandre VI, ce grand homme qui savait tout et pouvait tout, le fit son cameriere (… peu prŠs ce que nous appellerions, dans nos moeurs, un officier d’ordonnance). Jules II le nomma archevˆque de Chieti; le pape Paul le fit cardinal, et enfin, le 23 de mai 1555, aprŠs des brigues et des disputes terribles parmi les cardinaux enferm‚s au conclave, il fut cr‚‚ pape sous le nom de Paul IV; il avait alors soixante-dix-huit ans. Ceux mˆmes qui venaient de l’appeler au tr“ne de saint Pierre fr‚mirent bient“t en pensant … la duret‚ et … la pi‚t‚ farouche, inexorable, du maŒtre qu’ils venaient de se donner. La nouvelle de cette nomination inattendue fit r‚volution … Naples et … Palerme. En peu de jours Rome vit arriver un grand nombre de membres de l’illustre famille Carafa. Tous furent plac‚s; mais comme il est naturel, le pape distingua particuliŠrement ses trois neveux, fils du comte de Montorio, son frŠre. Don Juan, l’aŒn‚, d‚j… mari‚, fut fait duc de Palliano. Ce duch‚, enlev‚ … Marc-Antoine Colonna, auquel il appartenait, comprenait un grand nombre de villages et de petites villes. Don Carlos, le second des neveux de Sa Saintet‚, ‚tait chevalier de Malte et avait fait la guerre; il fut cr‚‚ cardinal, l‚gat de Bologne et premier ministre. C’‚tait un homme plein de r‚solution; fidŠle aux traditions de sa famille, il osa ha‹r le roi le plus puissant du monde (Philippe II, roi d’Espagne et des Indes), et lui donna des preuves de sa haine. Quant au troisiŠme neveu du nouveau pape, don Antonio Carafa, comme il ‚tait mari‚, le pape le fit marquis de Montebello. Enfin, il entreprit de donner pour femme … Fran‡ois, Dauphin de France et fils du roi Henri II, une fille que son frŠre avait eue d’un second mariage; Paul IV pr‚tendait lui assigner pour dot le royaume de Naples, qu’on aurait enlev‚ … Philippe II, roi d’Espagne. La famille Carafa ha‹ssait ce roi puissant, lequel, aid‚ des fautes de cette famille, parvint … l’exterminer, comme vous le verrez. Depuis qu’il ‚tait mont‚ sur le tr“ne de saint Pierre, le plus puissant du monde, et qui, … cette ‚poque, ‚clipsait mˆme l’illustre monarque des Espagnes, Paul IV, ainsi qu’on l’a vu chez la plupart de ses successeurs, donnait l’exemple de toutes les vertus. Ce fut un grand pape et un grand saint; il s’appliquait … r‚former les abus dans l’Eglise et … ‚loigner par ce moyen le concile g‚n‚ral, qu’on demandait de toutes parts … la cour de Rome, et qu’une sage politique ne permettait pas d’accorder. Suivant l’usage de ce temps trop oubli‚ du n“tre, et qui ne permettait pas … un souverain d’avoir confiance en des gens qui pouvaient avoir un autre int‚rˆt que le sien, les Etats de Sa Saintet‚ ‚taient gouvern‚s despotiquement par ses trois neveux. Le cardinal ‚tait premier ministre et disposait des volont‚s de son oncle; le duc de Palliano avait ‚t‚ cr‚‚ g‚n‚ral des troupes de la sainte Eglise; et le marquis de Montebello, capitaine des gardes du palais, n’y laissait p‚n‚trer que les personnes qui lui convenaient. Bient“t ces jeunes gens commirent les plus grands excŠs; ils commencŠrent par s’approprier les biens des familles contraires … leur gouvernement. Les peuples ne savaient … qui avoir recours pour obtenir justice. Non seulement ils devaient craindre pour leurs biens, mais, chose horrible … dire dans la patrie de la chaste LucrŠce, l’honneur de leurs femmes et de leurs filles n’‚tait pas en s–ret‚. Le duc de Palliano et ses frŠres enlevaient les plus belles femmes; il suffisait d’avoir le malheur de leur plaire. On les vit, avec stupeur, n’avoir aucun ‚gard … la noblesse du sang et, bien plus, ils ne furent nullement retenus par la cl“ture sacr‚e des saints monastŠres. Les peuples, r‚duits au d‚sespoir, ne savaient … qui faire parvenir leurs plaintes, tant ‚tait grande la terreur que les trois frŠres avaient inspir‚e … tout ce qui approchait du pape: ils ‚taient insolents mˆme envers les ambassadeurs. Le duc avait ‚pous‚, avant la grandeur de son oncle, Violante de Cardone, d’une famille originaire d’Espagne, et qui, … Naples, appartenait … la premiŠre noblesse. Elle comptait dans le Seggio di Nido. Violante, c‚lŠbre par sa rare beaut‚ et par les grƒces qu’elle savait se donner quand elle cherchait … plaire, l’‚tait encore davantage par son orgueil insens‚. Mais il faut ˆtre juste, il e–t ‚t‚ difficile d’avoir un g‚nie plus ‚lev‚, ce qu’elle montra bien au monde en n’avouant rien, avant de mourir, au frŠre capucin qui la confessa. Elle savait par coeur et r‚citait avec une grƒce infinie l’admirable Orlando de messer Arioste, la plupart des sonnets du divin P‚trarque, les contes du Pecorone, etc. Mais elle ‚tait encore plus s‚duisante quand elle daignait entretenir sa compagnie des id‚es singuliŠres que lui sugg‚rait son esprit. Elle eut un fils qui fut appel‚ le duc de Cavi. Son frŠre, D. Ferrand, comte d’Aliffe, vint … Rome, attir‚ par la haute fortune de ses beaux-frŠres. Le duc de Palliano tenait une cour splendide; les jeunes gens des premiŠres familles de Naples briguaient l’honneur d’en faire partie. Parmi ceux qui lui ‚taient le plus chers, Rome distingua, par son admiration, Marcel Capece (du Seggio di Nido), jeune cavalier c‚lŠbre … Naples par son esprit, non moins que par la beaut‚ divine qu’il avait re‡ue du ciel. La duchesse avait pour favorite Diane Brancaccio, ƒg‚e alors de trente ans, proche parente de la marquise de Montebello, sa belle-soeur. On disait dans Rome que, pour cette favorite, elle n’avait plus d’orgueil; elle lui confiait tous ses secrets. Mais ces secrets n’avaient rapport qu’… la politique; la duchesse faisait naŒtre des passions, mais n’en partageait aucune. Par les conseils du cardinal Carafa, le pape fit la guerre au roi d’Espagne, et le roi de France envoya au secours du pape une arm‚e command‚e par le duc de Guise. Mais il faut nous en tenir aux ‚v‚nements int‚rieurs de la cour du duc de Palliano. Capece ‚tait depuis longtemps comme fou; on lui voyait commettre les actions les plus ‚tranges; le fait est que le pauvre jeune homme ‚tait devenu passionn‚ment amoureux de la duchesse sa maŒtresse, mais il n’osait se d‚couvrir … elle. Toutefois il ne d‚sesp‚rait pas absolument de parvenir … son but, il voyait la duchesse profond‚ment irrit‚e contre un mari qui la n‚gligeait. Le duc de Palliano ‚tait tout-puissant dans Rome, et la duchesse savait, … n’en pas douter, que presque tous les jours les dames romaines les plus c‚lŠbres par leur beaut‚ venaient voir son mari dans son propre palais, et c’‚tait un affront auquel elle ne pouvait s’accoutumer. Parmi les chapelains du saint pape Paul IV se trouvait un respectable religieux avec lequel il r‚citait son br‚viaire. Ce personnage, au risque de se perdre, et peut-ˆtre pouss‚ par l’ambassadeur d’Espagne, osa bien un jour d‚couvrir au pape toutes les sc‚l‚ratesses de ses neveux. Le saint pontife fut malade de chagrin; il voulut douter; mais les certitudes accablantes arrivaient de tous c“t‚s. Ce fut le premier jour de l’an 1559 qu’eut lieu l’‚v‚nement qui confirma le pape dans tous ses soup‡ons, et peut-ˆtre d‚cida Sa Saintet‚. Ce fut donc le propre jour de la Circoncision de Notre-Seigneur, circonstance qui aggrava beaucoup la faute aux yeux d’un souverain aussi pieux, qu’Andr‚ Lanfranchi, secr‚taire du duc de Palliano, donna un souper magnifique au cardinal Carafa, et, voulant qu’aux excitations de la gourmandise ne manquassent pas celles de la luxure, il fit venir … ce souper la Martuccia, l’une des plus belles, des plus c‚lŠbres et des plus riches courtisanes de la noble ville de Rome. La fatalit‚ voulut que Capece, le favori du duc, celui-l… mˆme qui en secret ‚tait amoureux de la duchesse, et qui passait pour le plus bel homme de la capitale du monde, se f–t attach‚ depuis quelque temps … la Martuccia. Ce soir-l…, il la chercha dans tous les lieux o— il pouvait esp‚rer la rencontrer. Ne la trouvant nulle part, et ayant appris qu’il y avait un souper dans la maison Lanfranchi, il eut soup‡on de ce qui se passait, et sur le minuit se pr‚senta chez Lanfranchi, accompagn‚ de beaucoup d’hommes arm‚s. La porte lui fut ouverte, on l’engagea … s’asseoir et … prendre part au festin; mais, aprŠs quelques paroles assez contraintes, il fit signe … la Martuccia de se lever et de sortir avec lui. Pendant qu’elle h‚sitait, toute confuse et pr‚voyant ce qui allait arriver Capece se leva du lieu o— il ‚tait assis, et, s’approchant de la jeune fille, il la prit par la main, essayant de l’entraŒner avec lui. Le cardinal, en l’honneur duquel elle ‚tait venue, s’opposa vivement … son d‚part; Capece persista, s’effor‡ant de l’entraŒner hors de la salle. Le cardinal premier ministre, qui, ce soir-l…, avait pris un habit tout diff‚rent de celui qui annon‡ait sa haute dignit‚, mit l’‚p‚e … la main, et s’opposa avec la vigueur et le courage que Rome entiŠre lui connaissait au d‚part de la jeune fille. Marcel, ivre de colŠre, fit entrer ses gens; mais ils ‚taient Napolitains pour la plupart, et, quand ils reconnurent d’abord le secr‚taire du duc et ensuite le cardinal que le singulier habit qu’il portait leur avait d’abord cach‚, ils remirent leurs ‚p‚es dans le fourreau, ne voulurent point se battre, et s’interposŠrent pour apaiser la querelle. Pendant ce tumulte, Martuccia, qu’on entourait et que Marcel Capece retenait de la main gauche, fut assez adroite pour s’‚chapper. DŠs que Marcel s’aper‡ut de son absence il courut aprŠs elle, et tout son monde le suivit. Mais l’obscurit‚ de la nuit autorisait les r‚cits les plus ‚tranges, et dans la matin‚e du 2 janvier, la capitale fut inond‚e des r‚cits du combat p‚rilleux qui aurait eu lieu, disait-on, entre le cardinal neveu et Marcel Capece. Le duc de Palliano, g‚n‚ral en chef de l’arm‚e de l’Eglise, crut la chose bien plus grave qu’elle n’‚tait, et comme il n’‚tait pas en trŠs bons termes avec son frŠre le ministre, dans la nuit mˆme il fit arrˆter Lanfranchi, et, le lendemain, de bonne heure, Marcel lui-mˆme fut mis en prison. Puis on s’aper‡ut que personne n’avait perdu la vie, et que ces emprisonnements ne faisaient qu’augmenter le scandale, qui retombait tout entier sur le cardinal. On se hƒta de mettre en libert‚ les prisonniers, et l’immense pouvoir des trois frŠres se r‚unit pour chercher … ‚touffer l’affaire. Ils esp‚rŠrent d’abord y r‚ussir; mais, le troisiŠme jour, le r‚cit du tout vint aux oreilles du pape. Il fit appeler ses deux neveux et leur parla comme pouvait le faire un prince aussi pieux et aussi profond‚ment offens‚. Le cinquiŠme jour de janvier, qui r‚unissait un grand nombre de cardinaux dans la congr‚gation du Saint Office, le saint pape parla le premier de cette horrible affaire, il demanda aux cardinaux pr‚sents comment ils avaient os‚ ne pas la porter … sa connaissance: – Vous vous taisez! et pourtant le scandale touche … la dignit‚ sublime dont vous ˆtes revˆtus! Le cardinal Carafa a os‚ paraŒtre sur la voie publique couvert d’un habit s‚culier et l’‚p‚e nue … la main. Et dans quel but? Pour se saisir d’une infƒme courtisane? On peut juger du silence de mort qui r‚gnait parmi tous ces courtisans durant cette sortie contre le premier ministre. C’‚tait un vieillard de quatre-vingts ans qui se fƒchait contre un neveu ch‚ri maŒtre jusque-l… de toutes ses volont‚s. Dans son indignation, le pape parla d’“ter le chapeau … son neveu. La colŠre du pape fut entretenue par l’ambassadeur du grand-duc de Toscane, qui alla se plaindre … lui d’une insolence r‚cente du cardinal premier ministre. Ce cardinal, naguŠre si puissant, se pr‚senta chez Sa Saintet‚ pour son travail accoutum‚. Le pape le laissa quatre heures entiŠres dans l’antichambre, attendant aux yeux de tous, puis le renvoya sans vouloir l’admettre … l’audience. On peut juger de ce qu’eut … souffrir l’orgueil immod‚r‚ du ministre. Le cardinal ‚tait. irrit‚, mais non soumis; il pensait qu’un vieillard accabl‚ par l’ƒge, domin‚ toute sa vie par l’amour qu’il portait … sa famille, et qui enfin ‚tait peu habitu‚ … l’exp‚dition des affaires temporelles, serait oblig‚ d’avoir recours … son activit‚. La vertu du saint pape l’emporta; il convoqua les cardinaux, et, les ayant longtemps regard‚s sans parler, … la fin il fondit en larmes et n’h‚sita point … faire une sorte d’amende honorable: – La faiblesse de l’ƒge, leur dit-il, et les soins que je donne aux choses de la religion, dans lesquelles, comme vous savez, je pr‚tends d‚truire tous les abus, m’ont port‚ … confier mon autorit‚ temporelle … mes trois neveux; ils en ont abus‚, et je les chasse … jamais. On lut ensuite un bref par lequel les neveux ‚taient d‚pouill‚s de toutes leurs dignit‚s et confin‚s dans de mis‚rables villages. Le cardinal premier ministre fut exil‚ … Civita Lavinia, le duc de Palliano … Soriano, et le marquis … Montebello; par ce bref, le duc ‚tait d‚pouill‚ de ses appointements r‚guliers, qui s’‚levaient … soixante-douze mille piastres (plus d’un million de 1838). Il ne pouvait pas ˆtre question de d‚sob‚ir … ces ordres s‚vŠres: les Carafa avaient pour ennemis et pour surveillants le peuple de Rome tout entier qui les d‚testait. Le duc de Palliano, suivi du comte d’Alife, son beau-frŠre, et de L‚onard del Cardine, alla s’‚tablir au petit village de Soriano, tandis que la duchesse et sa belle-mŠre vinrent habiter Gallese, mis‚rable hameau … deux petites lieues de Soriano. Ces localit‚s sont charmantes; mais c’‚tait un exil, et l’on ‚tait chass‚ de Rome o— naguŠre on r‚gnait avec insolence. Marcel Capece avait suivi sa maŒtresse avec les autres courtisans dans le pauvre village o— elle ‚tait exil‚e. Au lieu des hommages de Rome entiŠre, cette femme, si puissante quelques jours auparavant, et qui jouissait de son rang avec tout l’emportement de l’orgueil, ne se voyait plus environn‚e que de simples paysans dont l’‚tonnement mˆme lui rappelait sa chute. Elle n’avait aucune consolation; son oncle ‚tait si ƒg‚ que probablement il serait surpris par la mort avant de rappeler ses neveux, et, pour comble de misŠre, les trois frŠres se d‚testaient entre eux. On allait jusqu’… dire que le duc et le marquis qui ne partageaient point les passions fougueuses du cardinal, effray‚s par ses excŠs, ‚taient all‚s jusqu’… les d‚noncer au pape leur oncle. Au milieu de l’horreur de cette profonde disgrƒce, il arriva une chose qui, pour le malheur de la duchesse et de Capece lui-mˆme, montra bien que, dans Rome, ce n’‚tait pas une passion v‚ritable qui l’avait entraŒn‚ sur les pas de la Martuccia. Un jour que la duchesse l’avait fait appeler pour lui donner un ordre, il se trouva seul avec elle, chose qui n’arrivait peut-ˆtre pas deux fois dans toute une ann‚e. Quand il vit qu’il n’y avait personne dans la salle o— la duchesse le recevait, Capece resta immobile et silencieux. Il alla vers la porte pour voir s’il y avait quelqu’un qui p–t les ‚couter dans la salle voisine, puis il osa parler ainsi: – Madame, ne vous troublez point et ne prenez pas avec colŠre les paroles ‚tranges que je vais avoir la t‚m‚rit‚ de prononcer. Depuis longtemps je vous aime plus que la vie. Si, avec trop d’imprudence, j’ai os‚ regarder comme amant vos divines beaut‚s, vous ne devez pas en imputer la faute … moi mais … la force surnaturelle qui me pousse et m’agite. Je suis au supplice, je br–le; je ne demande pas du soulagement pour la flamme qui me consume, mais seulement que votre g‚n‚rosit‚ ait piti‚ d’un serviteur rempli de d‚f‚rence et d’humilit‚. La duchesse parut surprise et surtout irrit‚e: – Marcel, qu’as-tu donc vu en moi, lui dit-elle, qui te donne la hardiesse de me requ‚rir d’amour? Est-ce que ma vie, est-ce que ma conversation se sont tellement ‚loign‚es des rŠgles de la d‚cence, que tu aies pu t’en autoriser pour une telle insolence? Comment as-tu pu avoir la hardiesse de croire que je pouvais me donner … toi ou … tout autre homme, mon mari et seigneur except‚? Je te pardonne ce que tu m’as dit, parce que je pense que tu es un fr‚n‚tique; mais garde-toi de tomber de nouveau dans une pareille faute, ou je te jure que je te ferai punir … la fois pour la premiŠre et pour la seconde insolence. La duchesse s’‚loigna transport‚e de colŠre, et r‚ellement Capece avait manqu‚ aux lois de la prudence: il fallait faire deviner et non pas dire. Il resta confondu, craignant beaucoup que la duchesse ne racontƒt la chose … son mari. Mais la suite fut bien diff‚rente de ce qu’il appr‚hendait. Dans la solitude de ce village, la fiŠre duchesse de Palliano ne put s’empˆcher de faire confidence de ce qu’on avait os‚ lui dire … sa dame d’honneur favorite, Diane Brancaccio. Celle-ci ‚tait une femme de trente ans, d‚vor‚e par des passions ardentes. Elle avait les cheveux rouges (l’historien revient plusieurs fois sur cette circonstance qui lui semble expliquer toutes les folies de Diane Brancaccio). Elle aimait avec fureur Domitien Fornari, gentilhomme attach‚ au marquis de Montebello. Elle voulait le prendre pour ‚poux; mais le marquis et sa femme, auxquels elle avait l’honneur d’appartenir par les liens du sang, consentiraient-ils jamais … la voir ‚pouser un homme actuellement … leur service? Cet obstacle ‚tait insurmontable, du moins en apparence. Il n’y avait qu’une chance de succŠs: il aurait fallu obtenir un effort de cr‚dit de la part du duc de Palliano, frŠre aŒn‚ du marquis, et Diane n’‚tait pas sans espoir de ce c“t‚. Le duc la traitait en parente plus qu’en domestique. C’‚tait un homme qui avait de la simplicit‚ dans le coeur et de la bont‚, et il tenait infiniment moins que ses frŠres aux choses de pure ‚tiquette. Quoique le duc profitƒt en vrai jeune homme de tous les avantages de sa haute position, et ne f–t rien moins que fidŠle … sa femme, il l’aimait tendrement, et, suivant les apparences, ne pourrait lui refuser une grƒce si celle-ci la lui demandait avec une certaine persistance. L’aveu que Capece avait os‚ faire … la duchesse parut un bonheur inesp‚r‚ … la sombre Diane. Sa maŒtresse avait ‚t‚ jusque-l… d’une sagesse d‚sesp‚rante; si elle pouvait ressentir une passion, si elle commettait une faute, … chaque instant elle aurait besoin de Diane, et celle-ci pourrait tout esp‚rer d’une femme dont elle connaŒtrait les secrets. Loin d’entretenir la duchesse d’abord de ce qu’elle se devait … elle-mˆme, et ensuite des dangers effroyables auxquels elle s’exposerait au milieu d’une cour aussi clairvoyante, Diane, entraŒn‚e par la fougue de sa passion, parla de Marcel Capece … sa maŒtresse, comme elle se parlait … elle-mˆme de Domitien Fornari. Dans les longs entretiens de cette solitude, elle trouvait moyen, chaque jour, de rappeler au souvenir de la duchesse les grƒces et la beaut‚ de ce pauvre Marcel qui semblait si triste; il appartenait, comme la duchesse, aux premiŠres familles de Naples, ses maniŠres ‚taient aussi nobles que son sang, et il ne lui manquait que ces biens qu’un caprice de la fortune pouvait lui donner chaque jour, pour ˆtre sous tous les rapports l’‚gal de la femme qu’il osait aimer. Diane s’aper‡ut avec joie que le premier effet de ces discours ‚tait de redoubler la confiance que la duchesse lui accordait. Elle ne manqua pas de donner avis de ce qui se passait … Marcel Capece. Durant les chaleurs br–lantes de cet ‚t‚, la duchesse se promenait souvent dans les bois qui entourent Gallese. A la chute du jour, elle venait attendre la brise de mer sur les collines charmantes qui s’‚lŠvent au milieu de ces bois et du sommet desquelles on aper‡oit la mer … moins de deux lieues de distance. Sans s’‚carter des lois s‚vŠres de l’‚tiquette, Marcel pouvait se trouver dans ces bois: il s’y cachait, dit-on, et avait soin de ne se montrer aux regards de la duchesse que lorsqu’elle ‚tait bien dispos‚e par les discours de Diane Brancaccio. Celle-ci faisait un signal … Marcel. Diane, voyant sa maŒtresse sur le point d’‚couter la passion fatale qu’elle avait fait naŒtre dans son coeur, c‚da elle-mˆme … l’amour violent que Domitien Fornari lui avait inspir‚. D‚sormais elle se tenait s–re de pouvoir l’‚pouser. Mais Domitien ‚tait un jeune homme sage, d’un caractŠre froid et r‚serv‚; les emportements de sa fougueuse maŒtresse, loin de l’attacher, lui semblŠrent bient“t d‚sagr‚ables. Diane Brancaccio ‚tait proche parente des Carafa; il se tenait s–r d’ˆtre poignard‚ au moindre rapport qui parviendrait sur ses amours au terrible cardinal Carafa qui, bien que cadet du duc de Palliano, ‚tait, dans le fait, le v‚ritable chef de la famille. La duchesse avait c‚d‚ depuis quelque temps … la passion de Capece, lorsqu’un beau jour on ne trouva plus Domitien Fornari dans le village o— ‚tait rel‚gu‚e la cour du marquis de Montebello. Il avait disparu: on sut plus tard qu’il s’‚tait embarqu‚ dans le petit port de Nettuno, sans doute il avait chang‚ de nom, et jamais depuis on n’eut de ses nouvelles. Qui pourrait peindre le d‚sespoir de Diane? AprŠs avoir ‚cout‚ avec bont‚ ses plaintes contre le destin, un jour la duchesse de Palliano lui laissa deviner que ce sujet de discours lui semblait ‚puis‚. Diane se voyait m‚pris‚e par son amant; son coeur ‚tait en proie aux mouvements les plus cruels; elle tira la plus ‚trange cons‚quence de l’instant d’ennui que la duchesse avait ‚prouv‚ en entendant la r‚p‚tition de ses plaintes. Diane se persuada que c’‚tait la duchesse qui avait engag‚ Domitien Fornari … la quitter pour toujours, et qui, de plus lui avait fourni les moyens de voyager. Cette id‚e folle n’‚tait appuy‚e que sur quelques remontrances que jadis la duchesse lui avait adress‚es. Le soup‡on fut bient“t suivi de la vengeance. Elle demanda une audience au duc et lui raconta tout ce qui se passait entre sa femme et Marcel. Le duc refusa d’y ajouter foi. – Songez, lui dit-il, que depuis quinze ans je n’ai pas eu le moindre reproche … faire … la duchesse; elle a r‚sist‚ aux s‚ductions de la cour et … l’entraŒnement de la position brillante que nous avions … Rome; les princes les plus aimables, et le duc de Guise lui-mˆme, g‚n‚ral de l’arm‚e fran‡aise, y ont perdu leurs pas. et vous voulez qu’elle cŠde … un simple ‚cuyer? Le malheur voulut que le duc s’ennuyant beaucoup … Soriano, village o— il ‚tait rel‚gu‚, et qui n’‚tait qu’… deux petites lieues de celui qu’habitait sa femme, Diane put en obtenir un grand nombre d’audiences, sans que celles-ci vinssent … la connaissance de la duchesse. Diane avait un g‚nie ‚tonnant; la passion la rendait ‚loquente. Elle donnait au duc une foule de d‚tails; la vengeance ‚tait devenue son seul plaisir. Elle lui r‚p‚tait que, presque tous les soirs, Capece s’introduisait dans la chambre de la duchesse sur les onze heures, et n’en sortait qu’… deux ou trois heures du matin. Ces discours firent d’abord si peu d’impression sur le duc, qu’il ne voulut pas se donner la peine de faire deux lieues … minuit pour venir … Gallese et entrer … l’improviste dans la chambre de sa femme. Mais un soir qu’il se trouvait … Gallese, le soleil ‚tait couch‚, et pourtant il faisait encore jour, Diane p‚n‚tra tout ‚chevel‚e dans le salon o— ‚tait le duc. Tout le monde s’‚loigna, elle lui dit que Marcel Capece venait de s’introduire dans la chambre de la duchesse. Le duc, sans doute mal dispos‚ en ce moment, prit son poignard et courut … la chambre de sa femme, o— il entra par une porte d‚rob‚e. Il y trouva Marcel Capece. A la v‚rit‚, les deux amants changŠrent de couleur en le voyant entrer; mais du reste, il n’y avait rien de r‚pr‚hensible dans la position o— ils se trouvaient. La duchesse ‚tait dans son lit occup‚e … noter une petite d‚pense qu’elle venait de faire; une cam‚riste ‚tait dans la chambre; Marcel se trouvait debout … trois pas du lit. Le duc furieux saisit Marcel … la gorge, l’entraŒna dans un cabinet voisin, o— il lui commanda de jeter … terre la dague et le poignard dont il ‚tait arm‚. AprŠs quoi le duc appela des hommes de sa garde, par lesquels Marcel fut imm‚diatement conduit dans les prisons de Soriano. La duchesse fut laiss‚e dans son palais, mais ‚troitement gard‚e. Le duc n’‚tait point cruel; il parait qu’il eut la pens‚e de cacher l’ignominie de la chose, pour n’ˆtre pas oblig‚ d’en venir aux mesures extrˆmes que l’honneur exigerait de lui. Il voulut faire croire que Marcel ‚tait retenu en prison pour une tout autre cause, et prenant pr‚texte de quelques crapauds ‚normes que Marcel avait achet‚s … grand prix deux ou trois mois auparavant, il fit dire que ce jeune homme avait tent‚ de l’empoisonner. Mais le v‚ritable crime ‚tait trop bien connu, et le cardinal, son frŠre, lui fit demander quand il songerait … laver dans le sang des coupables l’affront qu’on avait os‚ faire … leur famille. Le duc s’adjoignit le comte d’Alife, frŠre de sa femme, et Antoine Torando, ami de la maison. Tous trois, formant comme une sorte de tribunal, mirent en jugement Marcel Capece, accus‚ d’adultŠre avec la duchesse. L’instabilit‚ des choses humaines voulut que le pape Pie IV, qui succ‚da … Paul IV, appartŒnt … la faction d’Espagne. Il n’avait rien … refuser au roi Philippe II, qui exigea de lui la mort du cardinal et du duc de Palliano. Les deux frŠres furent accus‚s devant les tribunaux du pays, et les minutes du procŠs qu’ils eurent … subir nous apprennent toutes les circonstances de la mort de Marcel Capece. Un des nombreux t‚moins entendus d‚pose en ces termes: – Nous ‚tions … Soriano; le duc, mon maŒtre, eut un long entretien avec le comte d’Alife… Le soir, fort tard, on descendit dans un cellier au rez-de-chauss‚e, o— le duc avait fait pr‚parer les cordes n‚cessaires pour donner la question au coupable. L… se trouvaient le duc, le comte d’Alife, le seigneur Antoine Torando et moi. Le premier t‚moin appel‚ fut le capitaine Camille Grifone, ami intime et confident de Capece. Le duc lui parla ainsi: – Dis la v‚rit‚, mon ami. Que sais-tu de ce que Marcel a fait dans la chambre de la duchesse? – Je ne sais rien; depuis plus de vingt jours je suis brouill‚ avec Marcel. Comme il s’obstinait … ne rien dire de plus, le seigneur duc appela du dehors quelques-uns de ses gardes. Grifone fut li‚ … la corde par le podestat de Soriano. Les gardes tirŠrent les cordes, et, par ce moyen, ‚levŠrent le coupable … quatre doigts de terre. AprŠs que le capitaine eut ‚t‚ ainsi suspendu un bon quart d’heure, il dit: – Descendez-moi, je vais dire ce que je sais. Quand on l’eut remis … terre, les gardes s’‚loignŠrent et nous restƒmes seuls avec lui. – Il est vrai que plusieurs fois j’ai accompagn‚ Marcel jusqu’… la chambre de la duchesse, dit le capitaine, mais je ne sais rien de plus, parce que je l’attendais dans une cour voisine jusque vers les une heure du matin. Aussit“t on rappela les gardes, qui, sur l’ordre du duc, l’‚levŠrent de nouveau, de fa‡on que ses pieds ne touchaient pas la terre. Bient“t le capitaine s’‚cria: – Descendez-moi, je veux dire la v‚rit‚. Il est vrai continua-t-il, que, depuis plusieurs mois, je me suis aper‡u que Marcel fait l’amour avec la duchesse, et je voulais en donner avis … Votre Excellence ou … D. L‚onard. La duchesse envoyait tous les matins savoir des nouvelles de Marcel; elle lui faisait tenir de petits cadeaux et, entre autres choses, des confitures pr‚par‚es avec beaucoup de soin et fort chŠres; j’ai vu … Marcel de petites chaŒnes d’or d’un travail merveilleux qu’il tenait ‚videmment de la duchesse. AprŠs cette d‚position, le capitaine fut renvoy‚ en prison. On amena le portier de la duchesse, qui dit ne rien savoir; on le lia … la corde, et il fut ‚lev‚ en l’air. AprŠs une demi-heure il dit: – Descendez-moi, je dirai ce que je sais. Une fois … terre, il pr‚tendit ne rien savoir; on l’‚leva de nouveau. AprŠs une demi-heure on le descendit; il expliqua qu’il y avait peu de temps qu’il ‚tait attach‚ au service particulier de la duchesse. Comme il ‚tait possible que cet homme ne s–t rien, on le renvoya en prison. Toutes ces choses avaient pris beaucoup de temps … cause des gardes que l’on faisait sortir … chaque fois. On voulait que les gardes crussent qu’il s’agissait d’une tentative d’empoisonnement avec le venin extrait des crapauds. La nuit ‚tait d‚j… fort avanc‚e quand le duc fit venir Marcel Capece. Les gardes sortis et la porte d–ment ferm‚e … clef: – Qu’avez-vous … faire, lui dit-il, dans la chambre de la duchesse, que vous y restez jusqu’… une heure, deux heures, et quelquefois quatre heures du matin? Marcel nia tout; on appela les gardes, et il fut suspendu, la corde lui disloquait les bras; ne pouvant supporter la douleur, il demanda … ˆtre descendu, on le pla‡a sur une chaise; mais une fois l…, il s’embarrassa dans son discours, et proprement ne savait ce qu’il disait. On appela les gardes qui le suspendirent de nouveau; aprŠs un long temps, il demanda … ˆtre descendu. – Il est vrai, dit-il, que je suis entr‚ dans l’appartement de la duchesse … ces heures indues; mais je faisais l’amour avec la signora Diane Brancaccio, une des dames de Son Excellence, … laquelle j’avais donn‚ la foi de mariage, et qui m’a tout accord‚’ except‚ les choses contre l’honneur. Marcel fut reconduit … sa prison, o— on le confronta avec le capitaine et avec Diane, qui nia tout. Ensuite on ramena Marcel dans la salle basse quand nous f–mes prŠs de la porte: – Monsieur le duc, dit Marcel, Votre Excellence se rappellera qu’elle m’a promis la vie sauve si je dis toute la v‚rit‚. Il n’est pas n‚cessaire de me donner la corde de nouveau; je vais tout vous dire. Alors il s’approcha du duc, et, d’une voix tremblante et … peine articul‚e, il lui dit qu’il ‚tait vrai qu’il avait obtenu les faveurs de la duchesse. A ces paroles, le duc se jeta sur Marcel et le mordit … la joue; puis il tira son poignard et je vis qu’il allait en donner des coups au coupable. Je dis alors qu’il ‚tait bien que Marcel ‚crivit de sa main ce qu’il venait d’avouer, et que cette piŠce servirait … justifier Son Excellence. On entra dans la salle basse, o— se trouvait ce qu’il fallait pour ‚crire, mais la corde avait tellement bless‚ Marcel au bras et … la main, qu’il ne put ‚crire que ce peu de mots: Oui, j’ai trahi mon seigneur; oui, je lui ai “t‚ l’honneur! Le duc lisait … mesure que Marcel ‚crivait. A ce moment, il se jeta sur Marcel et il lui donna trois coups de poignard qui lui “tŠrent la vie. Diane Brancaccio ‚tait l…, … trois pas, plus morte que vive, et qui, sans doute, se repentait mille et mille fois de ce qu’elle avait fait. – Femme indigne d’ˆtre n‚e d’une noble famille! s’‚cria le duc, et cause unique de mon d‚shonneur auquel tu as travaill‚ pour servir … tes plaisirs d‚shonnˆtes, il faut que je te donne la r‚compense de toutes tes trahisons. En disant ces paroles, il la prit par les cheveux et lui scia le cou avec un couteau. Cette malheureuse r‚pandit un d‚luge de sang, et enfin tomba morte. Le duc fit jeter les deux cadavres dans un cloaque voisin de la prison. Le jeune cardinal Alphonse Carafa, fils du marquis de Montebello, le seul de toute la famille que Paul IV e–t gard‚ auprŠs de lui, crut devoir lui raconter cet ‚v‚nement. Le pape ne r‚pondit que par ces paroles: – Et de la duchesse, qu’en a-t-on fait? On pensa g‚n‚ralement, dans Rome, que ces paroles devaient amener la mort de cette malheureuse femme. Mais le duc ne pouvait se r‚soudre … ce grand sacrifice, soit parce qu’elle ‚tait enceinte, soit … cause de l’extrˆme tendresse que jadis il avait eue pour elle. Trois mois aprŠs le grand acte de vertu qu’avait accompli le saint pape Paul IV en se s‚parant de toute sa famille, il tomba malade, et, aprŠs trois autres mois de maladie, il expira le 18 ao–t 1559. Le cardinal ‚crivait lettres sur lettres au duc de Palliano’ lui r‚p‚tant sans cesse que leur honneur exigeait la mort de la duchesse. Voyant leur oncle mort, et ne sachant pas quelle pourrait ˆtre la pens‚e du pape qui serait ‚lu, il voulait que tout f–t fini dans le plus bref d‚lai. Le duc, homme simple, bon et beaucoup moins scrupuleux que le cardinal sur les choses qui tenaient au point d’honneur, ne pouvait se r‚soudre … la terrible extr‚mit‚ qu’on exigeait de lui. Il se disait que lui-mˆme avait fait de nombreuses infid‚lit‚s … la duchesse, et sans se donner la moindre peine pour les lui cacher, et que ces infid‚lit‚s pouvaient avoir port‚ … la vengeance une femme aussi hautaine. Au moment mˆme d’entrer au conclave, aprŠs avoir entendu la messe et re‡u la sainte communion, le cardinal lui ‚crivit encore qu’il se sentait bourrel‚ par ces remises continuelles, et que, si le duc ne se r‚solvait pas enfin … ce qu’exigeait l’honneur de leur maison. il protestait qu’il ne se mˆlerait plus de ses affaires, et ne chercherait jamais … lui ˆtre utile, soit dans le conclave, soit auprŠs du nouveau pape. Une raison ‚trangŠre au point d’honneur put contribuer … d‚terminer le duc. Quoique la duchesse f–t s‚vŠrement gard‚e, elle trouva, dit-on, le moyen de faire dire … Marc-Antoine Colonna, ennemi capital du duc … cause de son duch‚ de Palliano, que celui-ci s’‚tait fait donner, que si Marc-Antoine trouvait moyen de lui sauver la vie et de la d‚livrer, elle, de son c“t‚, le mettrait en possession de la forteresse de Palliano, o— commandait un homme qui lui ‚tait d‚vou‚. Le 28 ao–t 1559, le duc envoya … Gallese deux compagnies de soldats. Le 30, D. L‚onard del Cardine, parent du duc, et D. Ferrant, comte d’Alife, frŠre de la duchesse, arrivŠrent … Gallese, et vinrent dans les appartements de la duchesse pour lui “ter la vie. Ils lui annoncŠrent la mort, elle apprit cette nouvelle sans la moindre alt‚ration. Elle voulut d’abord se confesser et entendre la sainte messe. Puis, ces deux seigneurs s’approchant d’elle, elle remarqua qu’ils n’‚taient pas d’accord entre eux. Elle demanda s’il y avait un ordre du duc son mari pour la faire mourir. – Oui, madame, r‚pondit D. L‚onard. La duchesse demanda … le voir; D. Ferrant le lui montra. (Je trouve dans le procŠs du duc de Palliano la d‚position des moines qui assistŠrent … ce terrible ‚v‚nement. Ces d‚positions sont trŠs sup‚rieures … celles des autres t‚moins, ce qui provient, ce me semble, de ce que le, moines ‚taient exempts de crainte en parlant devant la justice, tandis que tous les autres t‚moins avaient ‚t‚ plus ou moins complices de leur maŒtre.) Le frŠre Antoine de Pavie, capucin, d‚posa en ces termes: – AprŠs la messe o— elle avait re‡u d‚votement la sainte communion, et tandis que nous la confortions, le comte d’Alife, frŠre de madame la duchesse, entra dans la chambre avec une corde et une baguette de coudrier grosse comme le pouce et qui pouvait avoir une demi-aune de longueur. Il couvrit les yeux de la duchesse d’un mouchoir, et elle, d’un grand sang-froid, le faisait descendre davantage sur ses yeux, pour ne pas le voir. Le comte lui mit la corde au cou; mais, comme elle n’allait pas bien, le comte la lui “ta et s’‚loigna de quelques pas; la duchesse, l’entendant marcher, s’“ta le mouchoir de dessus les yeux, et dit: – Eh bien donc! que faisons-nous? Le comte r‚pondit: – La corde n’allait pas bien, je vais en prendre une autre pour ne pas vous faire souffrir. Disant ces paroles, il sortit; peu aprŠs il rentra dans la chambre avec une autre corde, il lui arrangea de nouveau le mouchoir sur les yeux, il lui remit la corde au cou, et, faisant p‚n‚trer la baguette dans le noeud, il la fit tourner et l’‚trangla. La chose se passa, de la part de la duchesse, absolument sur le ton d’une conversation ordinaire. Le frŠre Antoine de Salazar, autre capucin, termine sa d‚position par ces paroles: – Je voulais me retirer du pavillon par scrupule de conscience, pour ne pas la voir mourir, mais la duchesse me dit: – Ne t’‚loigne pas d’ici, pour l’amour de Dieu. (Ici le moine raconte les circonstances de la mort, absolument comme nous venons de les rapporter.) Il ajoute: – Elle mourut comme une bonne chr‚tienne, r‚p‚tant souvent: Je crois, je crois. Les deux moines, qui apparemment avaient obtenu de leurs sup‚rieurs l’autorisation n‚cessaire, r‚pŠtent dans leurs d‚positions que la duchesse a toujours protest‚ de son innocence parfaite, dans tous ses entretiens avec eux, dans toutes ses confessions, et particuliŠrement dans celle qui pr‚c‚da la messe o— elle re‡ut la sainte communion. Si elle ‚tait coupable, par ce trait d’orgueil elle se pr‚cipitait en enfer. Dans la confrontation du frŠre Antoine de Pavie, capucin, avec D. L‚onard del Cardine, le frŠre dit: – Mon compagnon dit au comte qu’il serait bien d’attendre que la duchesse accouchƒt, elle est grosse de six mois, ajouta-t-il, il ne faut pas perdre l’ƒme du pauvre petit malheureux qu’elle porte dans son sein, il faut pouvoir le baptiser. A quoi le comte d’Alife r‚pondit: – Vous savez que je dois aller … Rome, et je ne veux pas y paraŒtre avec ce masque sur le visage (avec cet affront non veng‚). A peine la duchesse fut-elle morte, que les deux capucins insistŠrent pour qu’on l’ouvrŒt sans retard, afin de pouvoir donner le baptˆme … l’enfant, mais le comte et D. L‚onard n’‚coutŠrent pas leurs priŠres. Le lendemain la duchesse fut enterr‚e dans l’‚glise du lieu, avec une sorte de pompe (j’ai lu le procŠs-verbal). Cet ‚v‚nement, dont la nouvelle se r‚pandit aussit“t, fit peu d’impression, on s’y attendait depuis longtemps; on avait plusieurs fois annonc‚ la nouvelle de cette mort … Gallese et … Rome, et d’ailleurs, un assassinat hors de la ville et dans un moment de siŠge vacant n’avait rien d’extraordinaire. Le conclave qui suivit la mort de Paul IV fut trŠs orageux, il ne dura pas moins de quatre mois. Le 26 d‚cembre 1559, le pauvre cardinal Carlo Carafa fut oblig‚ de concourir … l’‚lection d’un cardinal port‚ par l’Espagne et qui par cons‚quent ne pourrait se refuser … aucune des rigueurs que Philippe II demanderait contre lui cardinal Carafa. Le nouvel ‚lu prit le nom de Pie IV. Si le cardinal n’avait pas ‚t‚ exil‚ au moment de la mort de son oncle, il e–t ‚t‚ maŒtre de l’‚lection, ou du moins aurait ‚t‚ en mesure d’empˆcher la nomination d’un ennemi. Peu aprŠs, on arrˆta le cardinal ainsi que le duc; l’ordre de Philippe II ‚tait ‚videmment de les faire p‚rir. Ils eurent … r‚pondre sur quatorze chefs d’accusation. On interrogea tous ceux qui pouvaient donner des lumiŠres sur ces quatorze chefs. Ce procŠs, fort bien fait, se compose de deux volumes in-folio, que j’ai lus avec beaucoup d’int‚rˆt’, parce qu’on y rencontre … chaque page des d‚tails de moeurs que les historiens n’ont point trouv‚s dignes de la majest‚ de l’histoire. J’y ai remarqu‚ des d‚tails fort pittoresques sur une tentative d’assassinat dirig‚e par le parti espagnol contre le cardinal Carafa, alors ministre tout-puissant. Du reste, lui et son frŠre furent condamn‚s pour des crimes qui n’en auraient pas ‚t‚ pour tout autre, par exemple, avoir donn‚ la mort … l’amant d’une femme infidŠle et … cette femme elle-mˆme. Quelques ann‚es plus tard, le prince Orsini ‚pousa la soeur du grand-duc de Toscane, il la crut infidŠle et la fit empoisonner en Toscane mˆme, du consentement du grand-duc son frŠre, et jamais la chose ne lui a ‚t‚ imput‚e … crime. Plusieurs princesses de la maison de M‚dicis sont mortes ainsi. Quand le procŠs des deux Carafa fut termin‚, on en fit un long sommaire, qui, … diverses reprises, fut examin‚ par des congr‚gations de cardinaux. Il est trop ‚vident qu’une fois qu’on ‚tait convenu de punir de mort le meurtre qui vengeait l’adultŠre, genre de crime dont la justice ne s’occupait jamais, le cardinal ‚tait coupable d’avoir pers‚cut‚ son frŠre pour que le crime f–t commis, comme le duc ‚tait coupable de l’avoir fait ex‚cuter. Le 3 de mars l561, le pape Pie IV tint un consistoire qui dura huit heures, et … la fin duquel il pronon‡a la sentence des Carafa en ces termes: Prout in schedulƒ. (Qu’il en soit fait comme il est requis.) La nuit du jour suivant, le fiscal envoya au chƒteau Saint-Ange le barigel pour faire ex‚cuter la sentence de mort sur les deux frŠres, Charles, cardinal Carafa, et Jean, duc de Palliano; ainsi fut fait. On s’occupa d’abord du duc. Il fut transf‚r‚ du chƒteau Saint-Ange aux prisons de Tordinona, o— tout ‚tait pr‚par‚; ce fut l… que le duc, le comte d’Alife et D. L‚onard del Cardine eurent la tˆte tranch‚e. Le duc soutint ce terrible moment non seulement comme un cavalier de haute naissance, mais encore comme un chr‚tien prˆt … tout endurer pour l’amour de Dieu. Il adressa de belles paroles … ses deux compagnons pour les exhorter … la mort; puis ‚crivit … son fils*. * Le savant M. Sismondi embrouille toute cette histoire. Voir l’article Carafa de la Biographie Michaud; il pr‚tend que ce fut le comte de Montorio qui eut la tˆte tranch‚e le jour de la mon du cardinal. Le comte ‚tait le pŠre du cardinal et du duc de Palliano. Le savant historien prend le pŠre pour le fils. Le barigel revint au chƒteau Saint-Ange, il annon‡a la mort au cardinal Carafa, ne lui donnant qu’une heure pour se pr‚parer. Le cardinal montra une grandeur d’ƒme sup‚rieure … celle de son frŠre, d’autant qu’il dit moins de paroles; les paroles sont toujours une force que l’on cherche hors de soi. On ne lui entendit prononcer … voix basse que ces mots, … l’annonce de la terrible nouvelle: – Moi mourir! O pape Pie! “ roi Philippe! Il se confessa; il r‚cita les sept psaumes de la p‚nitence, puis il s’assit sur une chaise, et dit au bourreau: – Faites. Le bourreau l’‚trangla avec un cordon de soie qui se rompit; il fallut y revenir … deux fois. Le cardinal regarda le bourreau sans daigner prononcer un mot. (Note ajout‚e.) Peu d’ann‚es aprŠs, le saint pape Pie V fit revoir le procŠs, qui fut cass‚, le cardinal et son frŠre furent r‚tablis dans tous les honneurs, et le procureur g‚n‚ral, qui avait le plus contribu‚ … leur mort, fut pendu. Pie V ordonna la suppression du procŠs toutes les copies qui existaient dans les bibliothŠques furent br–l‚es; il fut d‚fendu d’en conserver sous peine d’excommunication: mais le pape ne pensa pas qu’il avait une copie du procŠs dans sa propre bibliothŠque, et c’est sur cette copie qu’ont ‚t‚ faites toutes celles que l’on voit aujourd’hui. by Stendhal